... Une enfant, sans guère de surprise, vous en conviendrez. Une douce et tendre enfant, qui naquit dans une famille moindre de la noblesse de ce siècle, et qui eut l'extrême chance de faire parti des trois rejetons qui survécurent à leur dixième année, parmi les six qui vinrent au monde. Ô quelle joie que d'être vivante... ! Mais bon, cela était quelque chose de commun, que de vivre, et elle ne se posait guère de questions, cette douce Hermine. A tout âge, tendre et docile comme une fleur sans épine, à croître dans une société dont elle n'imaginait même pas la population la plus obscure... Pauvre pauvre Hermine...

Cadette, elle vit son petit frère mourir d'une santé trop faible qu'étouffa l'air vicié de Paris, et sa chère et adorée mère, que la naissance de jumelles mortes-nées laissa aux frontières de la mort pendant des semaines, au court desquelles son père se retrancha dans sa dignité tandis qu'elle, dans sa minuscule et dévouée affection, veillait sur la mourante... Si attendrissant non ? La gamine d'à peine dix ans, observant la mort emplir le regard de sa mère au fil des jours ! Dans son petit cœur si triste se fichèrent les deux flèches qu'étaient la détresse physique de cette femme qu'elle adorait tant, et la douleur qu'elle lisait dans les yeux de cette dernière à la pensée de ses enfants mortes... Mais Hermine ne se rebella pas, ne lui cria pas de se battre pour ses rejetons survivants non non non... Elle était bien trop douce pour cela, et ne parvint qu'à pleurer sur la couche viciée par la maladie, jusqu'à ce qu'enfin - quoiqu'elle ne dirait sans doute pas cela - ! Sa mère rende son dernier soupir.

Cela est le tragique de sa jeune existence... Du moins, le prélude. Rien que le commencement de ce qui serait une vie simple et heureuse... Jusqu'à ce que son empathie ne lui fasse mettre les pieds en un territoire qu'elle ne soupçonnait pas... Et incroyablement dangereux. Petite brebis livrée aux loups...

Frêle et au joli minois, son lignage et ses hanches convenablement larges firent que son hymen lui fit assez tôt ravi, malgré sa réputation de "bienveillante" frôlant la sottise, dans un mariage sans réelle passion mais avec un époux pas trop laid ni trop violent... Quelconque en somme, si ce n'est qu'il était bien plus âgé, l'intimidant quelque peu. Mais la jeune Hermine n'eut guère le temps d'approfondir une quelconque relation - si ce n'est la charnelle, qui fut consommée comme il se devait -, un malheur frappant sa nouvelle famille.

L'époux avait une sœur, fort belle, qui trouva fiancé. Contrairement à Hermine et son mari, la belle semblait sincèrement éprise de celui qu'elle allait bientôt épouser. Tout allait donc plutôt bien... Jusqu'à ce que que - Ô drame ! - le jeune amoureux soit retrouvé pendu, suicidé. Cela jeta son aimée dans un abîme émotionnel, ne quittant plus son lit de la demeure familiale qu'elle avait cru bientôt quitté. Et la maladie s'empressa de se présenter !

Hermine crut revivre la mort de sa mère. Passant à présent son temps au chevet de cette belle-sœur qu'elle connaissait pourtant si peu, dédaignant toutes les mises en garde quant à sa santé propre, elle passait ses après-midi dans la chambre obscure et étouffante aux volets fermés, humidifiant avec tendresse le front en sueur à l'aide d'un linge mouillé, s'écartant comme elle le devait quand les médecins se présentaient pour la saignée. Ô combien de sang elle vit coulé avec horreur ! Mais cela était pour le bien de la belle. Et à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, elle pleurait en entendant les cris de douleur de la malade, auprès de laquelle elle se précipitait. Son petit cœur était si sensible, vous comprenez ?

Et il fut sa perte !

Une énième nuit, où elle entendit la pauvre gémir dans sa douleur - il faut dire que les murs n'étaient pas bien épais -. Mais quand la belle se mit à hurler, alors l'époux d'Hermine s'empressa d'aller chercher un énième médecin, tandis que la jeune femme, mariée depuis tout juste quelques mois, allait trouver la malade. Son cœur se serrait d'entendre une telle douleur, et dans le couloir obscur, elle se sentit défaillir. Une personne allait-elle à nouveau mourir sous ses yeux, malgré toute son attention, dans la douleur et loin du regard de Dieu ? N'y avait-il donc aucune délivrance pour cette pauvre âme ? Mais cette arrêt lui permit d'entendre, oh oui ! A cette petite indiscrète malgré-elle. Des murmures, entre deux hurlements. Il y avait quelqu'un.

Cela ne pouvait qu'être une hallucination, un tour du vent à l'extérieur, alors qu'elle croyait entendre une conversation.

"... Vous aider, mon aimée...
- ... dit non, et vous, vous l'avez... Aaaaaahhh...
- ... Mort vient, vous devez...
- ... Non... NON !"

Et c'est ce dernier cri qui la fit se ressaisir, entrant vite dans la chambre de la malade. Là, il lui sembla que ses yeux se jouaient d'elle, alors qu'elle voyait... Entrevoyait quelqu'un, penché sur la belle étendue... Mais il n'y avait personne, et sa belle-soeur se débattait en gémissant. Le désespoir revint au galop, faisant oublié la chimère à la mariée, qui se jeta auprès de la malade, attrapant sa main, l'appelant à la regarder... Ce qu'elle fit, avec toute la douleur du monde dans ses yeux, qu'elle criait, et criait... Hermine sentit les larmes couler, inclinant humblement la tête, priant, implorant le Seigneur de délivrer la pauvre âme qui se tordait ainsi sous ses yeux, dans un sanglot... Comme s'il allait l’exaucer le grand là-haut ha !

"Libérez-la de sa souffrance, quoiqu'elle ait pu faire, elle n'est pas responsable du péché de son amour, et sa douleur est assez grande...
- Il va venir me prendre...
- Que Satan quitte son corps et qu'elle retrouve la paix...
- Je ne veux pas... Qu'il m'ait... Empêche-le...
- Je ne sais pas quoi faire !"

Hermine sanglotait sur sa belle-sœur qui allait si mal, alors qu'elle était désemparée... Même l'attention du linge mouillé lui semblait un trop maigre recours... Sentait-elle ainsi le Démon venir, vouloir l'arracher à l'appel de leur Sauveur ? Et cela l'emplissait d'horreur et de douleur à cette pensée. Elle n'avait rien fait qui mérita cela, rien... ! Alors la belle mourante lui chuchota des mots fiévreux qui la remplirent d'effroi et d'horreur. Mais la douleur qu'elle lisait dans les traits et dans le corps décharné, autrefois si plein d'une jeunesse merveilleuse, lui rappelèrent le long calvaire de sa mère. Comme dans un vil cauchemar, elle se vit saisir le petit couteau qui servait à couper le sceau des lettres... S'approcher à petits pas du corps étendu, si maigre sous les couvertures... A deux pas elle hésita, tombant à genoux. La pauvre ne voulait pas qu'elle souffre, mais de la à faire ça... ! Alors, avec la douceur de la mort, la belle saisit ses mains tremblotantes...

"Je ne le laisserais pas... M'emporter..."

Et lui fit plonger la ravissante lame dans sa gorge. Oh quel petit et délicieux ballet de rouge... ! Qui la laissa toute tremblotante et horrifiée, alors que la belle mourrait, la gorge maladroitement ouverte... La délivrance enfin ! Mais non, il fallait qu'elle sanglote encore, pâle comme un cadavre, comme si le Divin allait la foudroyer. Et le cris de la domestique la plongea dans l'horreur, ses vêtements poisseux de sang, la servante courant bientôt dans la maison en criant au meurtre. Oh oui, elle ne voulait pas commettre de pêché, simplement soulager... Et elle avait réussi, et trouvait quand même le moyen d'être saisie d'horreur ! Le comble de cette démence fut l'être qui jaillit des ombres, un sifflement haineux sur les lèvres... Alors la pauvre petite fuit. Fuit dans le noir, quittant sa demeure en trombe, souhaitant trouver refuge parmi les siens. Court petite, court...

Dans sa terreur, il lui semblait voir partout le fantôme de la belle morte l'observer, ou encore cette ombre qui n'était qu'une chimère, qui n'avait pas à la poursuivre... ! Esseulée, elle s'égara - sans guère de surprise - dans ce qu'était les ruelles si agréablement labyrinthiques de la capitale... Et où ? Et où ? Dans des quartiers bien mal famés pour une petite noble ! Courant, pleurant, elle crut être interpellée mais ne s'arrêta pas, sentit des mains se refermer sur ses poignets, et elle se débattit devant les êtres sales aux regards horribles... Courant, entendant courir derrière elle. Cherchant le refuge de son enfance, cherchant à fuir les démons qui la poursuivaient. Elle se sentit tirer dans une petite ruelle, vit ses poursuivants passer sans la voir, crut voir entre ses larmes un sauveur qui la conduirait en un lieu sûr, loin du cauchemar...

Bien étrange sauveur que celui aux dents noires et pourries, à la main sale et rude qui vint se plaquer sur sa bouche, alors que l'autre s'empressait de remonter ses jupons, l'individu à l'odeur de sueur et d'ordure la plaquant contre un mur luisant de crasse dans cette ruelle sombre, avant qu'Hermine ne sente une chose horrible venir... Et sa douleur n'eut plus de fin, ses suppliques restèrent vaines, alors que son corps était violé sans faillir par un individu des bas-fonds.

Un simple petit aperçu ! Car cette douce et égarée enfant resta ainsi dans l'obscurité de Paris... Des jours entiers ! Errante, hagarde, larmoyante, étant détroussée à foison, ses vêtements se gorgeant d'immondices alors que les plus beaux morceaux, les fils d'or et les quelques perles en étaient arrachés. Égarée la petite, égarée ! Petit joyau qui attira dans l'ombre bien des avidités... Sans qu'elle n'eut jamais la gorge tranchée, étrangement. Chaque fois qu'un couteau se voulait inquisiteur, l'ombre qui n'était pas, la hantait sans qu'elle y croit appelant vainement son Dieu, surgissait... Et alors on voyait cette frêle chose s'extraire du recoin sombre où on l'avait entraînée, alors qu'un liquide chaud y coulait en silence.

Et après tout cela, après cette charmante balade en Enfer... Imaginez quelle vue eut le père de sa fille quand elle se présenta au domicile. Et il lut tout, dans sa figure. Il lut tout, dans son vêtement déchiré, dans les bleus qui marquaient son visage... Il vit même du rouge, le rouge qui avait coulé quand entre deux violences, Hermine avait sentit un tout petit être à la vie malmenée glisser dans la mort entre ses jambes. Et pourtant, au bord du gouffre, la jeune femme s'accrochait encore à ce mince espoir, au réconfort des bras qui l'avait tenu enfant, à cet homme qui avait veillé sur elle... Elle lui chuchota son nom, les yeux emplit d'espoir. Il recula, l'effroi dans le regard, avant de lâché, plus blanc que le plus blanc des os.

"Notre fille est morte il y a de cela plusieurs jours, tuée par un fou qui prit aussi la vie de sa belle-sœur. N'espérez pas vous jouer de moi. Partez à présent..."

Et elle n'y crut pas. Il l'avait reconnu, elle le savait, il allait l'aidé...! Mais appelant un valet, son père la fit reconduire, avec pour seule "compensation", une chemise trop grande d'homme qui ne servait plus, sa tenue ne convenant même plus à une putain, dans l'état qu'elle était. Quel désenchantement... !

Alors Hermine fut livrée à la rue, et aux créatures qu'elle devinait y rodant, tout en essayant vainement de les ignorer. Sombrant peu à peu, luttant pour sa survie au court des semaines qui suivirent, elle devint... Une ruelle de Paris ! On lui marchait dessus, on l'ignorait, elle ne parvenait à tenir qu'en se nourrissant d'immondices qui la rendirent malade... Oh elle en devint si répugnante sous ses couches de crasse, tentant tant de se faire oublier, qu'elle n'attira plus aucunes attentions mâles, dans ses haillons.

Son esprit à présent, oscille au bord de la folie, noyé dans un obscur désespoir. Cela est cultivé par le vampire qui la harcèle, lui faisant redouter chaque ombre, car, il le lui susurra une nuit, elle lui avait ravi la belle qu'il comptait faire sienne... Et elle ne la valait pas. S'il avait d'abord pensé la vider simplement de son sang, observer ses déboires dans la fosse lui parut... Une agréable compensation. Malgré ces traitements, la compassion d'Hermine survit, bien mal placée, et souvent balayée par la terreur qui l'habite, lui faisant redouter le moindre geste violent. Petite chose qui ne tirera rien de la Vie, et que la Mort n'a plus qu'à ravir... Sous n'importe quelle forme !

• Prénom/pseudo : Mentheloup.
  
• Age : 18 ans.
  
• Hobbit/passion : Ecriture, lecture, dessin, jeu...
  
• Double-compte? De qui? : Personne.
  
• Comment avez-vous connu le forum? Top-site.
  
• Un commentaire sur le forum ? Encore un rien sonnée par la quantité d'informations je dirais... Mais tout cela m'a donnée envie de jeter dans cette guerre une pauvre et gentille brebis qui ne demande qu'à basculer.